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Chekeba Hachemi: « L’Afghanistan a été déclaré par les Nations Unies comme le pire pays au monde pour une femme »
Chekeba Hachemi: « L’Afghanistan a été déclaré par les Nations Unies comme le pire pays au monde pour une femme »
sourceChekeba Hachemi: « L’Afghanistan a été déclaré par les Nations Unies comme le pire pays au monde pour une femme »
Chekeba Hachemi, ex-diplomate afghane, fondatrice du magazine féminin Roz, répond à nos questions sur les femmes d'ici et de là-bas. Par Alice Buckler.
Yahoo Pour Elles - lun. 7 mars 2011
Chekeba Hachemi arrive d’Afghanistan à l’âge de 11 ans. Par la suite, elle crée l’association Afghanistan libre puis devient la première femme diplomate du gouvernement afghan – poste dont elle démissionne après en avoir dénoncé la corruption. Dans les années 2000, Chekeba Hachemi crée le premier (et toujours le seul, à ce jour) magazine féminin d’Afghanistan, Roz. Elle vit aujourd’hui à Paris. Nous lui avons posé quelques questions sur les droits des femmes, en France et en Afghanistan:
Quelle est la situation actuelle des femmes en Afghanistan ?
Les femmes afghanes sont les premières victimes de la situation de crise aiguë que traverse l’Afghanistan depuis plusieurs décennies.
Actuellement en Afghanistan les conditions de vie des femmes sont très mauvaises aussi bien concernant la santé, l’éducation ou encore la vie au sein de la cellule familiale.
L’Afghanistan a d’ailleurs été déclaré par les Nations Unies comme le pire pays au monde où vivre pour une femme. Les conditions de vie sont très précaires l’accès à la santé est quasi inexistant, ce qui explique que l’Afghanistan soit le deuxième pays au monde où le taux de mortalité est le plus élevé. La natalité n’est pas contrôlée par les femmes qui ne bénéficient pas de moyens contraception et subissent les sévisses de maris souvent violents. Au sein de la cellule familiale, nombreuses sont les femmes maltraitées, insultées et violées. Le manque d’éducation et l’illettrisme les enferment encore plus dans ce statut. De plus, depuis quelques années un nouveau fléau frappe la population féminine. Avec la recrudescence du trafic de narcotiques, de plus en plus de femmes sont victimes de la toxicomanie, elles représentent 13% de la population féminine afghane.
Face à tant d’injustice et de maltraitance les femmes afghanes aspirent au statut d’être humain à part entière. La prise d’indépendance est leur seule échappatoire et cela commence par l’alphabétisation pour ainsi pouvoir apprendre un métier et devenir indépendante financièrement. De nombreuses écoles ont été réhabilitées pour accueillir les femmes et jeunes filles afghanes et sont le point central des actions d’Afghanistan Libre.
Aucun évolution progressiste ne peut voir le jour dans une société déstabilisée où tous ses membres subissent des pertes de repères et de valeurs. Quand l’objectif du quotidien est de survivre et de retrouver un peu de dignité, il est difficile pour les communautés de s’appuyer sur des bases solides pour initier un progrès social. Les femmes afghanes ont donc aujourd’hui besoin d’une aide directe et immédiate
Ce que le gouvernement en place est incapable de faire, trop préoccupé par la corruption…
Vous avez créé le premier magazine féminin du pays, dans quel but? Qu’est ce que cela apporte aux femmes?
Le magazine Roz, qui signifie « le jour » en persan a été créé en collaboration avec le magazine ELLE dans le but de délivrer une information indépendante aux femmes à propos de la condition de la femme.
Le magazine Roz va dans le sens évoqué précédemment : il cherche à redonner aux femmes afghanes la dignité et le sentiment d’être entendues et soutenues. Ecrit par les femmes afghanes pour les femmes, ce mensuel s’attache à transmettre une information indépendante sur l’évolution des droits des femmes dans le pays, sur les questions et enjeux politiques en cours, sur les projets d’aide existants et sur les problématiques soulevées et les réponses possibles tout en respectant la culture afghane. Les femmes peuvent ainsi se rendre compte qu’elles ne sont pas oubliées de tous et qu’il existe des opportunités pour restaurer leur dignité et engendrer un progrès social.
Quelle est selon vous la priorité numéro 1 pour les femmes dans le monde ?
La priorité numéro 1 des femmes dans le monde est de pouvoir vivre dignement dans leur société. Cette dignité passe par un accès sans barrières aux services couvrant leurs besoins fondamentaux, pour elles et pour leur entourage: sécurité, santé et épanouissement. Que ce soit en République Démocratique du Congo, en Afghanistan ou en Libye, toutes les femmes du monde aspirent à une vie digne qui leur ouvre le champs des possibles. Elles sauront faire fructifier ces acquis en fonction de la société dans laquelle elles vivent et de leur personnalité propre, donc en parfait accord avec leur environnement psychosocial.
Quelles stratégies mettre en place pour y arriver (moyens financiers, changements de mentalités, éducation,…)?
Les stratégies sont bien sûr multiples. Mais il s’agit surtout que chaque acteur en jeu assume les responsabilités qui sont les siennes. Le travail de fond se fait essentiellement au niveau politique puisque ce sont les gouvernements et les autorités traditionnelles qui portent la responsabilité de mettre en place les réformes nécessaires pour répondre aux besoins de leurs populations. Les ONG humanitaires, quant à elles et par définition, interviennent dans des contextes de crise où, la plupart du temps, les instances politiques n’auront pas pu ou pas voulu assumer leurs responsabilités. En fonction de leurs divers mandats, ces ONG s’attacheront à répondre aux besoins immédiats, à soutenir ou initier des programmes qui cherchent à résoudre la crise en s’attaquant à ses causes profondes ou encore à faire un travail de témoignage, de sensibilisation ou de lobbying sur la situation de crise observée. Afghanistan Libre s’astreint à utiliser toutes ces composantes de l’aide internationale.
Puis il y a enfin les instances internationales qui débloquent les fonds nécessaires pour assurer une partie de cette aide. Depuis plusieurs années, on note malheureusement une accentuation de la politisation de l’aide. Trop souvent, des agendas politiques dictent la stratégie de financement au détriment de la réponse aux besoins réels des populations. Il existe encore heureusement de nombreux bailleurs de fonds qui sont fidèles aux principes humanitaires et, surtout, des petits donateurs qui, comme les rivières font les grands fleuves, permettent aux ONG de mettre en œuvre leur mandat en toute impartialité.
J’ai lu que vous vivez à Paris, que pensez-vous qu’il faudrait améliorer en France, pour la condition des femmes ?
Beaucoup, beaucoup de choses restent à améliorer d’urgence en France pour les femmes. A travail égal, une femme reçoit un salaire moindre de 23% par rapport à celui d’un homme, plaçant la France à la 127ème position sur 134 pays pour la différence salariale et 46ème sur le plan de la parité !!
Pire encore, tous les deux jours et demi, aujourd’hui en France, une femme meurt des suites de violences. La société française a laissé se développer des quartiers où la raréfaction des pouvoirs publiques a engendré une exclusion sociale qui conduit aux pires conséquences régressives : absence de respect et donc perte de dignité, dévalorisation et désappropriation de leur corps, réclusion, précarisation professionnelle systématique,…
L’année 2010 aurait du être une opportunité pour prendre ces problèmes à bras le corps car, le saviez-vous ?, la lutte contre la violence faite aux femmes avait été décrétée « Grande Cause Nationale ». Mais il semble malheureusement que l’essentiel reste encore à faire pour renverser cette tendance régressive.
J’espère que l’année 2011 sera l’année de tous le vrais changements et une vraie prise de conscience des enjeux.
Les évènements actuels dans le monde nous montrent une chose essentielle: ne négligeons jamais, jamais, la force de la société civile, où qu’elle soit. Elle est souvent sous-jacente, parfois silencieuse, souvent occultée par les pouvoirs en place, mais elle demeure toujours vivante et constitue la force vitale des peuples. Citoyens, associations, médias et ONG, vous tous et toutes, nous sommes les véritables forces profondes du changement !
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